V. Schaltenbrand Obrecht: Stilus

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Titel
Stilus. Kulturhistorische, typologisch-chronologische und technologische Untersuchungen an römischen Schreibgriffeln von Augusta Raurica und weiteren Fundorten


Autor(en)
Schaltenbrand Obrecht, Verena
Reihe
Forschungen in Augst 45
Erschienen
Augst 2012: Schwabe Verlag
Anzahl Seiten
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Michel Feugère

Depuis bien longtemps, la collection des publications des fouilles d’Augusta Raurica a pris une place de premier ordre pour les monographies de mobilier archéologique romain. Mais avec ce quarante-cinquième volume, elle s’impose aussi en tête, non seulement dans le domaine des travaux sur les petits objets, mais aussi dans la catégorie, beaucoup moins explorée, des instruments de l’écriture. L’ouvrage de V. Schaltenbrand Obrecht suit en effet de peu celui de A. Furger, M. Wartmann et E. Riha, Die römischen Siegelkapseln aus Augusta Raurica. Forsch. in Augst 44. Augst 2009. Boîtes à sceau et stylets constituent les deux catégories d’instruments à écrire les mieux représentées dans les fouilles, mais aucune n’avait bénéficié jusqu’à présent d’une monographie. C’est désormais chose faite, grâce au dynamisme des archéologues locaux, du Römermuseum d’Augst et du canton de Bâle-Campagne1.

L’étude de V. Schaltenbrand Obrecht concerne les stylets d’Augst, mais aussi ceux d’Avenches, de Vindonissa et de plusieurs autres sites en Suisse et dans les pays voisins : les 1190 stylets d’Augst ont ainsi été rejoints par 1690 autres, trouvés sur 16 autres sites. C’est donc beaucoup plus que la publication d’une série locale, fût-elle l’une des plus riches de l’occident, qui est offerte ici. L’A. a clairement voulu donner une première synthèse sur les stylets romains, un projet bienvenu puisque les stylets étaient apparus, ces dernières années, comme une catégorie difficile d’accès (en raison, notamment, des problèmes de corrosion des objets en fer)2, mais certainement riche d’enseignements. Pour répondre à cette ambition, une première partie (p. 21–46) rassemble, en guise d’introduction, un certain nombre de données générales sur l’écriture, ses techniques et ses usages. Ce survol très complet est bien utile, car les informations sont soit mal connues, soit dispersées dans de multiples périodiques. Le panorama est complété par un inventaire des 21 tombes romaines avec ustensiles à écrire trouvées en Suisse (p. 44–46).

La deuxième partie est plus particulièrement consacrée aux stylets (p. 47–92), de même que la troisième qui aborde les questions de classification et de chronologie (p. 93–210). A quelques exceptions près, les stylets n’ont guère fait l’objet de recherches typologiques, et les quelques systèmes proposés n’ont pas permis de développer les publications sur ces objets, preuve de leur efficacité limitée. La question même de leur définition reste un sujet débattu, voire contradictoire. Quand on tente de distinguer les stylets des fuseaux ou des quenouilles, l’argumentation débouche souvent sur des conclusions différentes, notamment en fonction de l’aire linguistique. L’A. a raison d’enrichir le débat à l’aide d’ensembles fonctionnels, comme les ensembles funéraires, ou encore quelques rares dépôts (l’ensemble d’outils du Titelberg, cependant, avait été interprété dès 1995 comme un lot d’instruments de l’écriture dans W. Czysz, Claus-Michael Hüssen, Hans-Peter Kuhnen et al., Provinzialrömische Forschunge : Festschrift für Günter Ulbert zum 65. Geburtstag, p. 326. Espenkamp 1995).

L’approche morphologique est ensuite délibérément analytique, avec la définition de 8 familles, se succédant dans le temps, puis l’inventaire de toutes les formes que peuvent prendre les différentes parties des stylets (pointe, spatule, décor...). Chacun de ces critères est examiné dans ses associations avec les autres et dans son évolution chronologique. Cette approche systématique permet de démontrer que, contrairement à une idée reçue, la forme des stylets et leurs différents éléments constitutifs évoluent dans le temps, rendant possible une étude archéologique et historique de cette documentation.

Le travail débouche sur la définition de types (l’A. préfère les appeler « groupes », Formgruppen), dont le classement s’appuie sur les familles précédemment définies. Les groupes du début de l’Empire, familles A à C, sont ainsi dénommés A10, B15 ou C22. Cette partie centrale de l’ouvrage (commodément signalée par une tranche grise, qui permet de la retrouver à tout moment) donne pour chaque « groupe de forme » une définition claire et succincte, une chronologie indiquée par les contextes d’Augst (avec une approche statistique et des courbes issues de l’interprétation de ces contextes) et enfin une liste de parallèles principalement issus d’Europe nord-occidentale. Bien sûr, les courbes tracées pour chacune de ces formes reposent parfois sur un nombre d’exemplaires insuffisant (dans ce cas, tracer la courbe de Gauss n’était peut-être pas nécessaire), mais c’est au lecteur de faire la différence entre les chronologies solidement étayées et celles qui demeurent plus fragiles.

La datation d’objets à partir de contextes archéologiques pose une série de problèmes qui ont été largement débattus à Augst, comme sur les autres sites où la démarche est utilisée à grande échelle : comment faire en sorte que les datations proposées ne reflètent pas tout simplement celles des seuls contextes disponibles sur le site ? Augst n’a longtemps fourni que des contextes du 1er et du 3e siècle, mais l’extension des fouilles dans la ville basse a bien complété la documentation intermédiaire. La monographie de V. Schaltenbrand bénéficie de ce rééquilibrage des sources. La représentativité des contextes urbains est évidemment liée, comme l’a bien montré St. Martin-Kilcher au colloque de Poitiers (2002) 3, à la gestion des déchets domestiques et à leur évacuation, ou non, loin des zones d’habitat.
Grâce à la richesse des sources stratigraphiques, on voit bien apparaître, de manière parallèle, l’évolution de certaines formes en fonction de la chronologie, ce qui valide a posteriori les pistes définies par l’A. en début d’ouvrage.

Si la classification typo-technologique des stylets semble convaincante, l’exploitation du corpus « extérieur » apparaît plus délicate : en-dehors des sites de Suisse, d’Allemagne occidentale et du Luxembourg, qu’on peut considérer comme un ensemble régional cohérent, la France n’est représentée que par un site bien éloigné (Toulouse), l’Italie et la Grande-Bretagne par deux sites chacun. Sans chercher à donner un inventaire complet des stylets romains, même sur une région réduite, l’A. a donc au contraire cherché à intégrer des sites divers pour tester ses données sur un territoire aussi varié que possible. Mais si la répartition des types sur les deux séries les plus importantes, qui sont aussi les plus rapprochés (Augst et Avenches ; fig. 207), est tout à fait homogène, il y a peu à dire sur les différences, beaucoup plus marquées, qui apparaissent avec les sites plus éloignés.

C’est donc, en dernier ressort, dans la ville d’Augusta Raurica que la répartition des stylets peut être analysée avec le plus d’efficacité : mais c’est ici sans surprise, puisque la typologie a été élaborée avec l’aide des contextes locaux, que les objets se répartissent dans les zones occupées à la période correspondant à la datation de chaque forme. Une analyse culturelle, cherchant à déterminer quel a pu être l’usage de ces stylets dans la ville, aurait été bienvenue, mais une telle démarche n’est peut-être pas adaptée à un habitat : les ensembles funéraires, associant des objets, voire des fonctions diverses au sein d’un même contexte, peuvent s’avérer plus éclairant. Il s’agit, sans doute, d’une autre recherche à mener ; l’A. n’a donné ici, pour la Suisse (p. 42–46), qu’une liste de 22 découvertes qu’il faudrait rapprocher des dizaines de tombes avec stylets ou autres instruments de l’écriture, mises au jour ces dernières décennies dans les pays limitrophes.

L’approche technologique, appuyée par les reconstitutions d’un artisan forgeron, ainsi que par des analyses physico-chimiques, confirme le soin apporté à la fabrication des stylets de fer, avec une évolution du décor entre le 1er siècle, surtout friand de facettes, moulures, hachures et autres décors plastiques, et le 2e siècle qui fait un grand usage des incrustations métalliques (laiton et argent). C’est l’évolution récente des techniques de restauration (avec notamment l’arrivée du plasma) qui a rendu possible le nettoyage précis des stylets les mieux conservés. Un stylet de fer était généralement plus soigné et plus décoré qu’un exemplaire en alliage cuivreux ; quelques exemplaires en fer ont du reste reçu l’estampille de leur fabricant, signe d’une production rationnalisée.

Le deuxième volume présente, par site puis en fonction du classement établi au chap. 3, les stylets des 18 sites et musées pris en compte dans cette recherche. La présentation des stylets sur les planches (pointe en haut, palette en bas), pourra surprendre, dans la mesure où la plupart des publications adoptaient jusqu’ici une image orientée dans le sens de l’écriture (pointe en bas), mais les dessins étant extrêmement clairs et précis, ce choix s’avère finalement peu gênant (v. les raisons exposées p. 347).

Au terme d’une recherche à laquelle elle a consacrée plusieurs décennies, l’A. nous livre un ouvrage qui ouvre de nouveaux horizons sur l’étude des stylets, et plus largement l’écriture manuscrite et ses usages dans les sociétés romaine et provinciales. Un point fort du livre est probablement l’impérieuse nécessité de traiter ces objets, particulièrement soignés dans l’Antiquité, avec plus d’attention qu’on ne leur en a accordé jusqu’alors. Il faut également espérer que le classement proposé sera adopté par ceux qui étudieront ces objets à l’avenir. Avec son beau livre, V. Schaltenbrand Obrecht a posé les fondations d’une démarche qui pourra, grâce à son travail, se développer désormais sur des bases solides.

1 Rappelons ici d’autres études menées dans le cadre du programme «Lesen und schreiben in Augusta Raurica»: la publication d’un choix d’inscriptions, par L. Berger et P.‑A. Schwarz (FiA 29, 2000); celle des graffites sur céramique, par G. Féret et R. Sylvestre (FiA 40, 2008); et tout récemment, l’excellent article de S. Fünfschilling sur les instruments à écrire d’Augst (Jahresber. aus Augst und Kaiseraugst 33, 2012, 163–236).
2 L’A. note (p. 98) qu’en l’absence d’étude monographique des stylets jusqu’à ce jour, les dessins des publications archéologiques sont la plupart du temps inutilisables: en général, les objets corrodés n’ont été ni radiographiés, ni restaurés, et les dessins existant n’indiquent pas, pour la plupart, les sections indispensables.
3 St. Martin-Kilcher, Dépôts en milieu urbain et amphores: évacuation organisée, réutilisation, déchets. In: P. Ballet, P. Cordier, N. Dieudonné- Glad (dir.) La Ville et ses déchets dans le monde romain: rebuts et recyclages. Actes du Coll. de Poitiers, 19–20 sept. 2002. Archéol. Et Histoire Romaine, 10, 231–242. Montagnac 2003.

Zitierweise:
Michel Feugère: Rezension zu: Verena Schaltenbrand Obrecht, Stilus. Kulturhistorische, typologisch-chronologische und technologische Untersuchungen an römischen Schreibgriffeln von Augusta Raurica und weiteren Fundorten. Mit Beiträgen von Maria Luisa Fernandez, Philippe Flurin, Patrick Guillot, Eduard Schaller, René Schaltenbrand, Willem B. Stern und Yvonne Gerber sowie Peter Wyss. Forschungen in Augst 45. Augst 2012. Zuerst erschienen in: Jahrbuch Archäologie Schweiz, Nr. 96, 2013, S. 264-265.

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Zuerst veröffentlicht in

Jahrbuch Archäologie Schweiz, Nr. 96, 2013, S. 264-265.

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